Quelle est la stratégie de Wolverhampton et de son président chinois Jeff Shi ?

Depuis neuf ans, le groupe chinois Fosun International est aux commandes des Wolverhampton Wanderers, avec Jeff Shi dans le rôle de président. Mais après deux belles saisons lors du retour du club en Premier League, les Wolves stagnent et s’enlisent dans le ventre mou du championnat. Alors que le flou règne, gros plan sur la stratégie sportive, financière et mercato de Jeff Shi à Wolverhampton.

Vitor Pereira Rodrigo Gomes Pablo Sarabia Wolverhampton
Le manager Vitor Pereira, ici entouré de Rodrigo Gomes et Pablo Sarabia, a réalisé un travail immense la saison passée pour maintenir le club en Premier League. Est-il condamné à réaliser un nouvel exploit cette saison ?

Wolverhampton n’est pas passé loin du désastre la saison dernière. Lanterne rouge de Premier League après dix journées, victorieux pour la première fois seulement le 9 novembre, et avec une présence dans la zone de relégation encore au mois de février, le club des West Midlands a vécu un exercice des plus délicats. Mais il s’est finalement sauvé, terminant à la 16e position, avec dix-sept points d’avance sur Leicester City (18e). Un maintien en partie assuré grâce aux investissements réalisés lors du mercato hivernal, avec les arrivées des Rémois Emmanuel Agbadou (20 M€) et Marshall Munetsi (18 M€). Mais l’homme à l’origine de cette performance, c’est surtout Vitor Pereira. Intronisé au poste de manager au cœur du mois de décembre en lieu et place de Gary O’Neil, le Portugais a su créer un nouvel élan pour relancer son équipe. « Nous avions un bon effectif, même lorsque Gary était le coach. Mais à l’époque, l’équipe manquait de leadership, nous n’avions pas une bonne communication dans le vestiaire et nous avons perdu de la discipline. Quand Vitor est arrivé, nous avons reconstruit l’équipe avec un nouveau staff et un nouveau capitaine. C’était en dehors du terrain que ça ne fonctionnait pas » explique Jeff Shi, président du club, lors d’une interview avec Business of Sport.

Un retour en PL réussi, mais sans continuité

Sauf que cette saison éreintante s’ajoute à des dernières années assez anecdotiques pour les Wolves dans l’élite britannique : 14e en 2024, mais aussi 13e en 2023 et en 2021. La preuve d’une certaine stagnation. Pourtant, lors de son retour en Premier League en 2018, le club avait fini deux fois consécutivement à de belles septièmes places. « Ces deux premières années en Premier League n’étaient pas stables : nous avons parfois gagné avec un peu de chance, ce n’était pas tenable. Lors de nos troisièmes et quatrièmes saisons, nous avons parié. Nous avons voulu atteindre le top 6, mais nous avons échoué. Notre masse salariale et nos dépenses en transferts étaient élevées, et ce n’était pas facile de nous réajuster. Nous avons dû reconstruire l’équipe, repartir de zéro. Quand tu échoues une fois, tu as besoin d’environ trois ans pour te préparer à nouveau et construire ton équipe » justifie le dirigeant chinois.

Une politique de dépenses assez sobre

Au cours de cette période de transition, Wolverhampton a fait preuve d’une certaine instabilité sur son banc. Les managers se sont multipliés : Bruno Lage est resté un an et demi, Julen Lopetegui prend ensuite le poste six mois avant de partir moins d’une semaine avant le premier match en août 2023, puis Gary O’Neil a sauvé le club en 2024 avant de se faire remplacer par Vitor Pereira. « Avec Gary, on a coupé les ponts trop tard », ose même Jeff Shi. Dans le même temps, l’effectif s’est affaibli. Plusieurs joueurs d’envergure sont partis contre de belles sommes, sans jamais être remplacés par des éléments du même calibre : Matheus Nunes (62 M€), Ruben Neves (55 M€), Nathan Collins (26,85 M€), Pedro Neto (60 M€), Max Kilman (47,5 M€) auxquels s’ajoutent cet été Matheus Cunha (74,2 M€) et Rayan Aït-Nouri (36,8 M€). Pour autant, le propriétaire du club ne juge pas que l’heure soit venue de dépenser des sommes mirobolantes. « Je ne pense pas qu’on ait besoin d’investir pour gagner à nouveau. Nous pouvons rester sur notre budget de dépenses actuel », poursuit-il. Rappelons que cet été, le club a aussi perdu librement son capitaine Nélson Semedo, Pablo Sarabia et Craig Dawson.

Matheus Cunha Wolverhampton célébration
La star de l’équipe, Matheus Cunha, a quitté Wolverhampton cet été pour rejoindre Manchester United. Visiblement, il ne sera pas remplacé par un joueur de son calibre.

L’influence de Jorge Mendes sur le marché

Sur ce mercato estival, Wolverhampton a validé l’arrivée définitive de Jorgen Strand Larsen (27 M€), s’est attaché les services du jeune espagnol Fer Lopez (23 M€) et attend l’officialisation du transfert de l’ailier Jhon Arias. Une activité encore assez maigre en comparaison aux départs encaissés et à la dernière saison traversée. Mais comme chaque été ou presque, les Wolves bénéficient d’un petit coup de pouce : celui de Jorge Mendes. L’influent agent portugais travaille main dans la main avec la direction depuis la reprise du club par Jeff Shi en 2016, facilitant l’arrivée au club de nombreux joueurs talentueux. La nouvelle recrue Fer Lopez est par exemple représentée par le super-agent. « Nous nous sommes toujours dit que son aide serait très importante pour nous », confie l’homme d’affaires chinois. Dans l’effectif actuel, seuls Gonçalo Guedes, José Sa, Matt Doherty et Bastien Meupiyou sont estampillés Jorge Mendes. Mais l’agent gère les droits de nombreux joueurs passés au club, comme Ruben Neves, Joao Moutinho, Rui Patricio, Pedro Neto, Matheus Nunes, Nélson Semedo, Ivan Cavaleiro, Francisco Trincão ou encore Vitinha. Pour autant, Jeff Shi assure que les recrues sont également choisies en partenariat avec le manager, dans le but de trouver les perles rares à rentrer dans son système de jeu.

Molineux Stadium Wolverhampton
Aucun travaux d’envergure sont prévus au Molineux Stadium dans les prochaines années.

« Il y a dix ans, on disait en Chine que Wolverhampton était un club provençal. Maintenant, Wolverhampton est une organisation connue à travers le monde »

Bien que le club soit en proie à une certaine stagnation ces dernières saisons, Jeff Shi se veut fier du chemin parcouru depuis le rachat du club. « Il y a dix ans, on disait en Chine que Wolverhampton était un club provençal. Maintenant, Wolverhampton est une organisation connue à travers le monde » affirme le président. Et alors que la croissance enrayée du club pourrait agacer une partie des supporters, Jeff Shi préfère voir le positif : « Si vous demandez aux supporters s’ils veulent voir leur club durablement en Premier League, ils répondront tous favorablement. » En août, Wolverhampton entamera sa huitième saison consécutive dans l’élite du football anglais. Un record pour le club dans l’ère moderne de la Premier League (depuis 1992). D’ailleurs, depuis la promotion des Wolves en 2018, quatorze équipes différentes ont déjà été reléguées en Championship. Une preuve supplémentaire de la continuité dont fait preuve le club, dans un monde professionnel où les enjeux se pèsent en centaines de millions d’euros.

Quelles sont les ambitions de Jeff Shi ?

La question est maintenant de savoir dans quelle direction s’avance Wolverhampton et que peut espérer le club à l’orée de cette saison 2025-2026. L’effectif semble perdre en qualité et se rajeunit, alors que la concurrence (et notamment les trois promus) se renforce sur le marché. Mais pas de quoi faire peur à Jeff Shi. « Nous sommes très ambitieux. Nous ne sommes pas seulement satisfaits de rester en Premier League, ni d’être un club de milieu de tableau. Mais nous n’utilisons pas la méthode traditionnelle pour grandir » souligne-t-il. Le président chinois mise sur d’autres leviers pour développer le club, comme le e-sport ou le foot féminin, qui pourraient ensuite bénéficier à l’institution dans son ensemble. D’ailleurs, Jeff Shi garde sa porte ouverte pour accueillir de nouveaux investisseurs minoritaires au sein du club. Mais hors de question pour le moment de vendre Wolverhampton. Sauf qu’après cinq saisons moyennes en Premier League, l’heure du rebond à sonné. L’échéance des quelques années de transition dont parlait Jeff Shi arrive à son terme et le club doit regarder vers l’avant. Reste à voir si les Wolves ont vraiment l’effectif pour s’éviter une nouvelle campagne délicate, ou si au contraire la stratégie du président chinois a atteint ses limites.